La Monarchie des Lumières (1715-1786) by André Zysberg

Auteur:André Zysberg
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature
Éditeur: Points
Publié: 2014-06-14T16:00:00+00:00

La fin de la guerre

et le sursaut patriotique français.

Les préliminaires de Fontainebleau, signés le 3 novembre 1762 par le duc de Nivernais et le duc de Bedford, constituent la base du traité de paix ratifié à Paris le 10 février 1763. La France recouvre la Martinique, la Guadeloupe, Sainte-Lucie, ainsi que ses plus importants comptoirs en Inde (Chandernagor, Yanaon, Karikal, Mahé et Pondichéry). Elle restitue Minorque en échange de Belle-Ile, perd toutes ses positions acquises en Inde méridionale et centrale depuis 1748 (à l’exception des comptoirs mentionnés ci-dessus), une partie de ses établissements aux Antilles (la Dominique, Saint-Vincent, Tobago, les Grenadines, la Désirade), enfin toutes ses places au Sénégal et en Gambie, sauf Gorée. En Amérique, tout le Canada est acquis par la Grande-Bretagne, plus la vallée de l’Ohio, la rive gauche du bassin du Mississippi et l’île Royale, la France conservant son droit de pêche à Terre-Neuve et le petit archipel de Saint-Pierre et Miquelon. Les Espagnols cèdent la Floride aux Anglais afin de récupérer La Havane et Manille. Louis XV, toujours généreux, offre la Louisiane à Charles III en compensation de la perte de la Floride. Le traité d’Hubertsburg (15 février 1763) met fin à la guerre d’Allemagne, sur la base du statu quo ante, de la situation d’avant-guerre.

Par le nombre de ses belligérants et la diversité de ses théâtres d’opérations, la guerre de Sept ans fut la première des guerres mondiales. Elle a touché 4 continents (Europe, Asie, Afrique et Amérique) et s’est déroulée sur presque tous les océans et mers du globe, de la Manche au Pacifique. Ce fut aussi l’un des conflits les plus coûteux du XVIIIe siècle, en hommes et en argent. Le bilan humain est très difficile à établir, y compris celui des victimes civiles. La guerre d’Allemagne et de Silésie fut sans nul doute la plus meurtrière. Comme le Simplicissimus de Grimmelshausen traverse les misères de la guerre de Trente ans, le Candide de Voltaire connaît les horreurs de la guerre de Sept ans. Pour les Français, cette guerre est restée très lointaine, parce qu’elle n’a pas franchi une seule fois les frontières du royaume, du moins les frontières terrestres, le littoral ayant subi quelques coups durs, comme le débarquement de Cherbourg ou l’occupation de Belle-Ile. L’issue de ce conflit a changé les rapports de force entre les États européens. Elle marque l’avènement de la prépondérance économique et politique de la Grande-Bretagne, qui s’établit à partir de 1759-1760, grâce à sa suprématie navale, tandis que le royaume de Prusse, encore un petit personnage sur l’échiquier européen des années 1740, est devenu avec la Russie l’une des grandes puissances de l’Europe continentale.

La Nouvelle-France est liquidée : sans remords ni regret ? Des intellectuels français, ainsi que les plus hauts responsables de l’État, Choiseul en tête, considéraient la cession du Canada comme un événement négligeable, la perte de ces « quelques arpents de neige » dont il est question dans le Candide de Voltaire. L’essentiel était de récupérer les îles des Antilles, productrices de sucre et de café.

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